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Depuis quelques années, dans de nombreux pays, la gauche et les mouvements sociaux sont régulièrement mis en échec par les détenteurs de capitaux et leurs représentants. En Grèce, les élections victorieuses pour Syriza avaient soulevé un espoir considérable mais après quelques mois de mesures sociales, le gouvernement a dû lâcher son ministre de l'économie qui déplaisait tant à la Commission européenne et accepter toutes les mesures de régression imposées par Bruxelles. Dans toute l'Europe, les mouvements d'extrême droite gagnent du terrain et s'emparent de sièges de députés et de ministères. En France, face au recul des acquis sociaux et aux privatisations rampantes, les luttes sont menées avec opiniâtreté mais elles échouent (casse du code du travail, nouveau statut de la SNCF …). En Amérique Latine, après quelques années d'espoir et de mesures sociales progressistes, la droite reprend les rennes.

 

Contrairement à ce que l'on a voulu nous faire croire, la lutte des classes existe bel et bien, mais ce sont désormais les représentants du capital qui la mènent et passent en force dans le monde entier.

Découragés, les citoyens ont l'impression que mener une politique favorable aux travailleurs est devenu définitivement impossible, les multinationales et les rois de la finance imposant leur loi malgré la volonté de résistance qui s'exprime partout. Pourtant les forces vives des mouvements sociaux et politiques sont là, et l'opposition croissante à la toute puissance du capitalisme financier est bien présente chez nos concitoyens comme en attestent d'ailleurs de récents sondages. Alors d'où vient le problème ?

 

Par la mondialisation de l'économie, la globalisation financière et la montée en puissance des nouvelles technologies de l'information et de la communication, la bourgeoisie constituée en classe à l'échelle planétaire a mis en concurrence les travailleurs du monde entier et nous sommes désormais pris dans un étau dont nous ne savons comment sortir. Le chantage à l'emploi qui auparavant s'exerçait au niveau local a maintenant gagné la sphère politique au niveau international. « Rabotez votre code du travail ! » ordonnent-ils « ou nous délocalisons et supprimons des emplois ». « Réduisez les impôts et les services publics ou nous ne créerons pas de postes », menacent-ils. « Privatisez vos systèmes de retraite et votre couverture maladie ou nos capitaux iront s'investir ailleurs ». Et cela marche car les populations qui résistent encore un peu à ces injonctions subissent une pénurie d'emplois artificielle et très politique. En France, alors même que la conjoncture économique est devenue plus favorable, le chômage semble incompressible à un taux de 9 à 10 % et l'essentiel des créations d'emplois se font sous contrat précaire.

 

Dans ce contexte oppressant et mortifère pour la démocratie, il nous faut, pour rendre nos luttes et notre construction politique à nouveau crédibles, identifier un à un les obstacles qui se dressent sur notre chemin et pour chacun d'eux, proposer un ou des moyens susceptibles de les lever. Nous identifions pour l'instant trois obstacles auxquels nous devons faire face :

 

  1. Le chantage à l'emploi, la peur et la division qu'il engendre ;

  2. L'absence d'une perspective crédible de changement politique ;

  3. Le manque de prise sur le réel pour amorcer un changement de système ;

 

Face à chacun de ces obstacles, nous proposerons un ou deux moyens susceptibles de nous faire reprendre l'avantage dans la lutte des classes :

  • Face à l'obstacle n°1, nous proposons un système de solidarité financière militante ;

  • Face à l'obstacle n°2, nous proposons la construction citoyenne d'un socialisme démocratique ;

  • Face à l'obstacle n°3, nous proposons des moyens d'action adaptés au contexte d'exploitation actuel ainsi qu'un réseau de distribution des produits des scops associant consommation et droit à l'emploi.

 

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Obstacle n°1 : Le chantage à l'emploi, la peur et la division qu'il engendre

 

Le chômage et la précarité constituent un obstacle à la mobilisation à double titre : ils engendrent une peur paralysante pour ceux qui ont un emploi comme pour ceux qui en cherchent un et une division qui vire actuellement à l'antagonisme.

 

La crainte de perdre son emploi touche tous les salariés et, dans la plupart des PME, la démocratie est totalement absente : il est devenu totalement impossible de s'y exprimer librement sur le plan politique. Le code du travail récemment amputé ne protège plus réellement les salariés contre un licenciement sans cause réelle ni sérieuse et la difficulté à retrouver un emploi est nettement accrue si l'on a une réputation de rebelle. Lors d'une procédure de recrutement, le CV joue en réalité le même rôle que le livret ouvrier du XIXème siècle : les employeurs potentiels se renseignent systématiquement auprès des précédents patrons du salarié qu'ils envisagent d'embaucher et vérifient sur Google que celui-ci n'a pas eu de parcours militant. Les postes à responsabilité ou ceux qui impliquent une proximité avec l'information comptable et financière de l'entreprise sont particulièrement sujets à ce type de précaution. Les salariés en CDD et intérim subissent quant à eux un chantage permanent au réemploi. On leur fait miroiter une intégration qui ne se réalise que très rarement. Que ce soit pendant leur période d'emploi ou pendant leur durée de chômage, ils militent peu ou bien font en sorte que leur militantisme ne soit pas trop visible.

 

Depuis de nombreuses années, le Parti Communiste Français propose la mise en place d'

 

« une sécurité d'emploi formation permettant à chacune et chacun de conjuguer mobilité choisie et sécurité accrue de ses revenus et de ses droits. Ce système pleinement réalisé permettrait de supprimer le chômage, de révolutionner le contenu du travail, de dépasser l'opposition travail – hors travail tout en répondant au besoin de souplesse, de progrès et d'adaptabilité de la production moderne ».

(cf Texte de base commune de discussion adopté pour le 38ème congrès du PCF, partie 3.3, page 11)

 

Cette proposition, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une proposition de loi des députés communistes, est excellente et mérite d'être défendue. Mais comment les travailleurs les plus concernés par la question (les 10 % de chômeurs et les 15 % de contrats précaires, notamment) peuvent ils s'en saisir et militer pour cette idée sachant que dès qu'ils s'exposent politiquement, et en particulier sur des idées communistes, ils risquent de perdre leur emploi ou de ne plus en retrouver un ?

 

De fait, les travailleurs sont donc objectivement divisés non seulement quant à leur niveau de vie mais aussi sur le plan de leur rapport au travail et à la démocratie. Ceux qui ont un emploi stable, fonctionnaires, salariés des grandes entreprises à forte implantation syndicale, salariés de certaines associations, sont totalement libres de leur engagement syndical et politique. Ils peuvent participer pleinement aux grèves, manifestations, mouvements sociaux et bénéficient réellement de leur liberté d'expression : ils signent librement et sans pseudo des motions aux congrès de leurs partis et syndicats, des pétitions en ligne, éditent un blog, interviennent sans retenue dans les débats sur les réseaux sociaux, mettent en ligne des vidéos de leur cru …

 

A l'opposé, les salariés plus exposés sur le marché du travail, chômeurs, précaires, mais aussi salariés des PME sans CE ni section syndicale réellement indépendante de l'employeur, ne bénéficient de leurs droits démocratiques ni à l'intérieur de l'entreprise ni à l'extérieur. Privés de toute liberté d'expression (c'est encore plus vrai en province où la visibilité de chacun est totale), ils doivent de surcroît subir l'humiliation de passer pour des lâches ou pour des individualistes invétérés vis à vis des salariés plus protégés qui paraissent forcément plus actifs, plus courageux, plus résolus. Mais dans ce contexte, ce que les plus militants considèrent comme une démonstration de leur engagement est souvent perçu comme de l'arrogance et du mépris par ceux qui sont les plus exposés à la dureté du marché du travail, ce sentiment étant renforcé par le fait que les positions les plus protégées sont souvent associées à un niveau d'études plus élevé. L'écart croissant entre ces deux ressentis au sein de la classe salariée se mue petit à petit en ressentiment durable qui trouve sa traduction en terme d'aliénation et de comportement politique.

 

Nos gouvernants ont alors beau jeu d'opposer les fonctionnaires aux salariés fragilisés pour faire passer privatisations et contre-réformes réactionnaires. De plus en plus dépourvus de moyens matériels humains, les agents de l'Etat, des hôpitaux et des collectivités territoriales sont sommés de déborder d'énergie, de dévouement et d'ingéniosité pour maintenir la qualité de leurs services alors même que les gouvernants font tout pour dégouter les français du secteur public. Ce véritable sabotage conduit un nombre croissant d'agents au burn-out et les suicides de fonctionnaires sont de plus en plus fréquents. Entre les salariés du privé de plus en plus fragilisés et humiliés sur le marché du travail et les fonctionnaires sacrifiés sur l'autel du libéralisme, le dialogue devient peu à peu impossible. Les uns sont persuadés de se battre pour l'intérêt général en défendant des services publics de qualité présents sur l'ensemble du territoire tout autant que leur propre statut. Ils se demandent alors pourquoi les salariés du privé ne les rejoignent que si peu dans leurs luttes. Les autres se demandent comment et pourquoi ils devraient prendre des risques pour défendre l'emploi à vie de ceux qui ont réussi les concours alors qu'eux mêmes sont de moins en moins protégés du chômage et de la précarité. De ce point de vue, les mentalités évoluent de manière plutôt négative : si parler de grève par procuration avait un sens en décembre 1995, on n'en est plus là aujourd'hui.

 

 

Solution n°1 : Une solidarité financière militante.

 

A cette situation de peur et de division, nous pouvons répondre en mettant en place une solidarité financière et militante qui d'une part protège un minimum l'ensemble des salariés syndiqués contre les conséquences matérielles de la perte d'emploi, d'autre part, relie dans l'action militante les différentes catégories de salariés en leur permettant de faire à nouveau bloc contre les classes possédantes. Il ne s'agit évidemment pas de se substituer aux différentes allocations et aides sociales déjà en place mais d'organiser entre militants une redistribution partielle qui viendrait compléter les dispositifs publics préexistants de façon à garantir un revenu minimum équivalent au SMIC net à tous ceux qui se battent dans le cadre de la CGT ou de la FSU.

 

Ce dispositif pourrait prendre la forme d'une caisse de secours mutuel du syndicat pour les précaires et privés d'emplois. Il prévoit un engagement militant complété par une solidarité financière. Les bénéficiaires des secours sont des adhérents du syndicat qui se retrouvent du fait de leur chômage ou de leur temps partiel subi à un revenu inférieur au SMIC net mensuel compte tenu d'une éventuelle allocation de chômage ou du RSA. Le versement opéré par la caisse de secours serait alors égal à la différence entre un SMIC net et l'éventuelle allocation perçue par le bénéficiaire. Les conditions pour pouvoir bénéficier des secours serait d'être adhérent à la CGT ou à la FSU avec l'option caisse de secours depuis plus de 3 mois d'une part et de remplir ses engagements militants d'autre part.

Les cotisants à cette caisse de secours seraient les adhérents du syndicat qui auraient volontairement opté pour le complément caisse de secours en supplément de leur cotisation normale au syndicat et dont le salaire net est supérieur ou égal au SMIC net. Le montant de leur cotisation mensuelle à la caisse de secours syndicale serait comprise entre 2,83 % (33 € en 2018) et 10,96 % (310 €) du salaire net mensuel (grille à taux progressif en annexe). Les conditions pour pouvoir adhérer à la caisse de secours sont les suivantes :

  • Être majeur

  • Être adhérent à la CGT ou à la FSU

  • Avoir cumulé 6 mois d'emploi salarié à plein temps ou 910 heures de travail salarié sur 12 mois consécutifs quelle que soit la date de ce (ou de ces) contrat(s).

Les taux de cotisation indiqués ont été calculés de façon à assurer l'équilibre financier du dispositif en tenant compte d'un taux de chômage de 10 % et de la répartition par décile des salaires nets fournie par l'INSEE.

 

Les cotisants et les bénéficiaires de la caisse de secours mutuel complètent leur solidarité financière par un engagement militant. Organisés en binômes, ils mettent en œuvre les actions décidées aux différents niveaux de leur syndicat, notamment avec l'objectif d'élargir le réseau d'entraide actifs stables - chômeurs et précaires. Chaque binôme est constitué d'un salarié en emploi stable et d'un chômeur ou précaire (cdd ou interim). Les deux membres d'un binôme ne sont pas issus d'un même couple, ni d'une même famille. Le rythme de leurs actions militantes est impératif :

  • une action par semaine sur le plan national

  • une action par mois en direction d'un autre pays de l'union européenne

Chaque binôme a également pour mission d'aider les chômeurs et précaires à faire face aux difficultés de tous ordres que provoque leur situation de sous-emploi, notamment en ce qui concerne leurs démarches administratives.

 

Ce dispositif de solidarité financière et militante offrirait aux salariés exposés la possibilité réelle de se battre aux côté des salariés stables pour des enjeux de services publics aussi bien que dans les luttes contre les licenciement ou pour le droit au travail sans qu'ils aient à craindre de se retrouver sans ressources à la suite d'un licenciement. Il permettrait aussi de faire évoluer de manière radicale le positionnement et l'image du syndicat en incluant dans ses effectifs et ses activités les chômeurs et précaires autant que les actifs stables. Il créerait un lien social permanent permettant d'intégrer les 25 % les plus fragilisés de la population active (10% de chômeurs + 15 % de contrats précaires) à la démocratie ouvrière, ce qui aurait pour effet de revivifier nos organisations et de les réorienter politiquement dans un sens marxiste.

 

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Obstacle n°2 : L'absence d'une perspective crédible de changement

 

En France comme dans le reste du monde, des millions de personnes se déclarent anti-capitalistes. Pour autant, ce ne sont pas les fondements mêmes du capitalisme qui sont actuellement combattus mais seulement ses excès, faute d'un projet de société suffisamment complet et abouti pour offrir une réelle alternative au système actuel. Entre l'impossibilité du réformisme et le rejet du socialisme réel, c'est l'impasse.

 

Les recettes proposées par la plupart des partis et mouvements contestataires sont sociales-démocrates et keynésiennes. Elle ne s'attaquent qu'à la répartition et aux inégalités avec quelques ajouts écologistes sur la transition énergétique. Leurs principaux outils sont la fiscalité et la redistribution. Or dans le cadre de la globalisation financière, les recettes keynésiennes ne sont pas crédibles : d'une part dans la concurrence internationale effrénée, l'argument du besoin de compétitivité marque les esprits, sauf à s'abriter de la concurrence en fermant les frontières, ce que proposent certains et qui n'est pas sans danger. D'autre part, compte tenu du chantage à l'emploi, le rapport de forces est tel que plus personne n'imagine que des mesures keynésiennes de relance par la demande et de redistribution des revenus seront réellement mises en place : les promesses électorales faites en la matière ne sont plus jamais tenues, même par les gouvernements les plus radicaux (voir le sort peu enviable du gouvernement Syriza). L'idée d'un capitalisme moins inégalitaire, plus humain et plus écologique est un leurre et tout le monde le sait. Par conséquent, maintenir la fiction d'un réel changement opéré au sein même du système capitaliste devient franchement contre-productif.

 

Mais d'un autre côté, le modèle soviétique a subi un échec politique et économique tel que, dans l'imaginaire de la plupart de nos concitoyens, le discrédit frappe désormais le concept même de socialisme, discrédit favorisé par une campagne incessante des principaux médias et de la plupart des intellectuels. En définitive, le réformisme est impossible et l'absence de contreprojet empêche la révolution : c'est l'impasse et cette impasse est paralysante : on voudrait bien changer les choses mais on ne sait pas quoi mettre à la place. On se dit volontiers anticapitaliste ou progressiste mais on n'ose plus s'attaquer à la propriété privée des moyens de production, sauf à la marge ou par petites touches. Or sans toucher à la propriété privée des moyens de production, on ne peut réduire la puissance des actionnaires et des multinationales ni échapper aux diktats des marchés financiers. Laisser en place la propriété privée des moyens de production équivaut donc à renoncer à la conception d’un système alternatif global.

 

Or un projet de société alternative est indispensable si l’on veut inciter les gens à lutter. Si on ne leur propose pas une solution suffisamment complète et crédible, nos concitoyens ont l'impression que rien d'autre n'est possible que ce qu'ils ont sous les yeux. Ils sauvent alors leur peau comme ils le peuvent dans le système actuel et pour cela, renoncent plus ou moins consciemment à le combattre. Il n'y aura donc pas de système alternatif élaboré spontanément dans le feu de l'action car il n'y aura pas de feu de l'action sans projet politique préalable.

 

 

Solution n°2 : Un projet de socialisme démocratique

 

Nous voulons une société à la fois démocratique et inclusive, garantissant à chacun non seulement un revenu décent mais aussi de participer activement à la production du bien être commun de façon socialement reconnue et à égale dignité. La réduction des inégalités ne suffit pas car tant que l'on est dépendant d'un maître, d'un seigneur, d'un patron ou des actionnaires pour gagner sa vie, on n'est pas égale dignité et l'on n'a pas la possibilité réelle de participer aux décisions les plus importantes de la vie collective. Il faut donc que les salariés dans leur ensemble maîtrisent la création de leurs emplois et s'assurent eux-même de leur pérennité, ce qui passe nécessairement par une forme ou une autre de socialisation des moyens de production et d'échange.

 

Pour sa part, le PCF, dans le texte de base commune de discussion adopté pour son 38ème congrès (23-35 novembre 2018), présente son projet de société communiste en précisant que le dépassement du capitalisme signifie ;

« une révolution des rapports sociaux de production :

une appropriation sociale des moyens de production, d'échange et de financement, de la gestion des entreprises;

l'avancée d'une sécurité d'emploi ou de formation, avec des activités de développement des capacités de chacune et chacun, dépassant le salariat capitaliste, vers une société sans classe. »

 

A l'appui de cette visée communiste, nous proposons l'élaboration citoyenne d'un projet de société alliant un certain degré de socialisation des moyens de production et d'échange à une régulation par le marché pour une part, par la planification décentralisée ou centralisée selon le secteur d'activité pour une autre part.

 

Il faudrait tout d'abord éliminer toute confusion entre socialisme et économie centralement planifiée : la question du choix entre capitalisme et socialisme d’une part et celle du choix entre économie de marché et économie planifiée sont souvent confondues dans les esprits. Or il s’agit bien de deux questions distinctes et la réponse que l’on donne à l’une n’implique pas de réponse univoque à la seconde.

 

L’opposition capitalisme / socialisme se situe au niveau de la propriété des moyens de production et d’échange. Dans le système capitaliste, des personnes privées, propriétaires individuels, associés ou actionnaires sont titulaires des terres cultivables, des usines, machines, locaux, réseaux de télécom, technologies, logiciels professionnels, magasins, banques … Dans le système socialiste, des collectivités qui peuvent prendre des formes et contours divers et variés sont propriétaires de ces moyens de production et d’échange. La réponse à cette question se situe donc sur un plan structurel en amont de la production et des échanges.

 

L’opposition économie de marché / économie planifiée concerne le mode de détermination des quantités échangées et des niveaux de prix pratiqués lors de ces échanges. En économie de marché, idéalement, les quantités échangées et les prix pratiqués à l’instant t résultent de « la libre confrontation de l’offre et de la demande sur les différents marchés ». En économie planifiée, un ou des organes planificateurs analysent scientifiquement l’état des besoins et des ressources disponibles et élaborent à partir de ces analyses un plan c’est à dire un ensemble cohérent de prix et d’objectifs quantifiés que l’on s’efforcera d’atteindre dans un ou plusieurs secteurs d’activité donnés.

 

Les commentateurs ont souvent tendance à confondre les deux questions car d’une part dans le système capitaliste actuel, la plupart des quantités et des prix sont déterminés sur les marchés (mais la question de savoir si la confrontation y est réelle et libre est discutable et largement débattue). De son côté, le régime soviétique avait fait le choix de réaliser à la fois la collectivisation des principaux moyens de production et d’échange d'une part, et la régulation des quantités et des prix par un plan centralisé et impératif d'autre part, de sorte que dans les esprits, l’un est souvent associé à l’autre. Cependant, l’un n’implique pas l’autre et l’on a connu, par exemple, une planification impérative plus ou moins étendue avec des tickets de rationnement dans la France capitaliste de la seconde guerre mondiale et de l’immédiat après guerre, un plan quinquennal indicatif étant d’ailleurs maintenu par le commissariat général au plan jusqu’aux années 1980. De même le socialisme de marché a existé en Hongrie notamment et d’autres expériences mêlant propriété collective et régulation décentralisée ont été mises en place ailleurs. Par conséquent, il n’y a aucune raison d’associer systématiquement la planification centralisée impérative à toute forme de collectivisation comme le font les économistes libéraux dans le seul but de délégitimer par avance toute remise en cause de la propriété privée des moyens de production.

 

Cette tendance libérale à circonscrire arbitrairement l’univers des choix possibles est d’autant plus trompeuse que pour chacune des deux problématiques ci-dessus esquissées, il existe toute une graduation de réponses intermédiaires disponibles : on n’est pas obligé de tout socialiser pour passer au socialisme, ni de tout privatiser pour passer au capitalisme, et la propriété d’État n’est pas la seule forme de propriété collective possible. Dans l’autre dimension, il existe une modalité de régulation intermédiaire entre plan et marché qui prend de plus en plus d’importance dans l’économie actuelle et qui se nomme le réseau. Ce dernier permet de maintenir un certain degré de négociation entre les différents acteurs d’une filière tout en éliminant les aspects les plus brutaux de la concurrence et de la loi du plus fort et en faisant bénéficier tous les acteurs d’une stabilisation des perspectives à moyen terme qui est d’ordinaire l’apanage du plan. Tout ceci doit être gardé à l’esprit afin de bien comprendre que la socialisation des moyens de production et d’échange n’implique pas aujourd’hui la simple réplication du modèle soviétique et que toutes sortes de combinaisons et de manières de placer le curseur sont possibles. Ces différentes options doivent être publiquement débattues afin de permettre à nos concitoyens de faire démocratiquement des choix libres et éclairés sur ces questions.

 

Il s’agit tout d’abord de réfléchir sur la notion de propriété sociale des moyens de production et d’échange. Notons que la maison individuelle et le jardin attenant ne sont pas concernés, pas plus que la voiture personnelle ou le bateau de plaisance d’ailleurs. Les moyens dont nous parlons ici sont ceux qui permettent de produire ou d’échanger en grande quantité des biens ou services produits pour être fournis à autrui moyennant rémunération ou dans un cadre qui prévoit la rémunération de ceux qui travaillent pour les produire. Ces moyens sont dits socialement appropriés (socialisés) si ils sont la propriété d’une collectivité d’individus agissant dans l'intérêt collectif. Différents exemples de ces collectivités sont :

  • les collectivités territoriales (communes, départements, régions)

  • les régies de quartier

  • les coopératives (SCOP, SCIC, Coopératives de consommateurs, Coopératives agricoles, CUMA...)

  • Les mutuelles

  • Les associations

  • l’État (en distinguant l’entreprise publique des services publics)

  • l’Europe sociale si elle existait …

 

Le choix entre ces différentes formes de propriété sociale ne doit pas nécessairement être le même dans tous les secteurs d’activité. Tandis que les activités de réseau (transports ferroviaires et aériens, télécom, réseaux de gaz et d’électricité …) nécessitent un degré de centralisation élevé et donc tireront nettement avantage d’une propriété d’État, il n’en va pas de même pour toute une série de biens de consommation courante qui pourront très bien s'accommoder d’une production par des SCOP reliées en réseau. Certains services de proximité gagneraient de leur côté à être produits par des régies de quartier tandis que d’autres nécessiteraient l’engagement de la commune ou du département. D'autres secteurs relèvent de la propriété d'Etat pour des questions de sécurité ou de justice sociale (production d'énergie hydraulique, industrie pharmaceutique ...) Avec les moyens informatiques et télématiques dont nous disposons aujourd’hui, coordonner l’ensemble des activités des différents secteurs n’impose ni mode de propriété unique, ni planification centralisée impérative. De plus, on pourrait parfaitement accepter de laisser subsister une propriété privée artisanale et commerçante sur les entreprises d’une taille inférieure à 10 salariés, par exemple, sans que cela remette en cause les bénéfices attendus d’une socialisation des entités dépassant cette taille. En effet, notre productivité est désormais suffisamment élevée pour que la diversité des modes de propriété et de régulation ne soit plus un facteur d'échec. De plus, on sait aujourd'hui que l'adhésion de la population au système est un déterminant de la productivité pour l’ensemble d’une économie donc s''il faut consentir que les entreprises de moins de dix salariés restent privées sous statut d'artisan ou de commerçant, cela n'est pas gênant. Il faut trouver comment coordonner démocratiquement l'ensemble en respectant cette diversité mais en refusant la prépondérance des intérêts privés sur l'intérêt général.

 

Cependant, admettre un certain degré de diversité des modes de propriété ne signifie pas renoncer à faire un choix clair entre capitalisme et socialisme. Dans le capitalisme, la base du système est la propriété privée et les propriétaires tolèrent par exception et selon l'air du temps un certain degré d'intervention de l'Etat, une certain volume de services publics, un certain nombre d'entreprises publiques et de coopératives. Dans un régime socialiste, la base du système est la propriété collective (sous des formes variées) des moyens de production et d'échange tandis que la propriété privée constitue l'exception (habitations individuelles et terrains attenants, petites entreprises). Mais nous direz-vous « qu'importe ce choix s'il s'agit de toute façon d'aboutir à une mixité des deux formes de propriété ?». Or du choix entre les deux systèmes dépend la réalité du pouvoir politique dont nous disposons. Dans le système capitaliste, le terme de « producteurs » désigne les entreprises, c'est à dire en réalité les propriétaires et actionnaires qui, parce qu'ils possèdent les biens de production et d'échange, détiennent le pouvoir économique, le pouvoir sur l'emploi et finalement le pouvoir sur l'ensemble du système politique et social, et ce quel que soit le gouvernement en place. On le voit bien aujourd'hui avec les privatisations en cours et les coupes sombres dans les emplois publics : la proportion de biens et services publics, de subventions aux associations, de logements sociaux et de sécurité sociale que ces messieurs les propriétaires concèdent dans ce système dépend uniquement de leur bon vouloir. C'est une tolérance et ce n'est que lorsqu'ils se sentent menacés de tout perdre qu'il se montrent un peu plus bienveillants à cet égard.

 

Dans le système socialiste à l'inverse, le terme de « producteurs » désigne en fait et en droit les travailleurs, qui échappent au chantage à l'emploi jusque là exercé par les actionnaires et détiennent, officiellement du moins, le pouvoir tant sur le plan économique et social que sur le plan politique en tant que citoyens. Certes un travail politique est alors à mener pour préserver la démocratie de façon à ce que ce pouvoir des travailleurs et citoyens soit bien réel, mais dans la marche vers la démocratie, la socialisation des moyens de production et d'échange est un premier pas indispensable, faute de quoi tout le pouvoir reste à la finance. Il conviendrait donc d'affirmer avec la plus grande netteté la perspective d'un système socialiste qui pourrait comprendre l'élargissement des services publics actuels, un secteur d'entreprises nationalisées comprenant au minimum les banques, la production et la distribution d'énergie, les activités de réseaux (eaux, réseau électriques et de gaz, réseaux de télécommunications, transports ferroviaires et aériens, aéroports, transports collectifs urbains, route et autoroutes…), l'extraction des minerais, l'industrie pharmaceutique, tandis que la fabrication d'un certain nombre de biens de production serait confiée à des sociétés coopératives (SCOP) mises en réseau ainsi que la plupart des biens de consommation courante et des services (hors services publics), tout en laissant la liberté d'initiative privée à toute entreprise dont l'effectif ne dépasserait pas 9 salariés.

 

Affirmer ceci ne signifierait pas pour autant empêcher nos concitoyens de débattre et de choisir, et il est de notre responsabilité d'organiser l'échange d'idées et la participation de tous à des décisions d'une telle importance, sachant qu'à l'heure actuelle, tout nous est imposé par la classe dominante et rien n'est choisi par les populations en la matière. On pourrait donc dans un premier temps proposer dans chaque département des débats publics réguliers sur le thème « quel mode de propriété et quelle organisation voulons-nous dans le secteur de l'aéronautique, de l'électronique grand public, de l'industrie pharmaceutique, des biens de consommation courante, des transports, de la santé ?... » et ainsi de suite secteur par secteur, ne serait-ce que pour habituer nos concitoyens à se poser ce type de question, à participer à l'élaboration d'un projet de société réellement alternatif au lieu de rester mentalement dans le cadre capitaliste actuel. On pourrait inviter à ces débats des économistes et spécialistes des secteurs concernés tout en laissant place, pour plus de la moitié de la séance, aux interventions de la salle et à l'élaboration d'un relevé de positions collectives. Au début des débats, on rappellerait les différents modes de propriété sociale qui peuvent exister en les définissant et en en donnant des exemples afin que les citoyens comprennent les possibilités de choix qui sont à leur disposition. Au bout de quelques mois, on introduirait un thème de débat supplémentaire qui serait « Quel mode de régulation (plan / marché / réseau ou mixte) dans une économie socialiste ? » Au fur et à mesure, on réunirait les relevés de conclusion des débats ainsi que des contributions individuelles sur un site web dédié (avec modérateur) permettant à tout un chacun de suivre l'avancée des travaux sur l'ensemble du territoire. Une fois les débats suffisamment avancés, une commission nationale contenant des économistes, des sociologues, des spécialistes et des militants se réunirait pour synthétiser ces débats en un projet global qui deviendrait alors l'objectif à moyen terme de notre lutte politique.

 

Cette démarche n'empêche évidemment pas de mener des luttes politiques sur des enjeux de court terme tels que l'opposition à une politique d'austérité, à une réforme des retraites ou au traitement inhumain des migrants par exemple. Au contraire, c'est en reliant ces luttes sur des enjeux partiels et immédiats à notre projet de société à moyen terme que nous redonnerons de la force à ces mobilisations.

 

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Obstacle n°3 : Le manque de prise sur le réel pour amorcer un changement de système

 

Un autre obstacle de taille qui nous paralyse actuellement est le sentiment généralisé d'impuissance face à la réalité qui nous est imposée. A chaque nouveau conflit, l'inefficacité des moyens d'action habituels est anticipée par le plus grand nombre, d’où l’absence de participation au mouvement d’une grande part de nos concitoyens alors même que ceux-ci sont d’accord avec les revendications et les buts affichés. Découragés d'avance, nos militants ne vont plus vers les gens pour les convaincre d'agir ou d'adhérer parce qu'ils savent que ce qu'ils leur proposent de faire concrètement n'est pas efficace même lorsqu'on est assez nombreux. Certaines journées d'action lors du mouvement contre la réforme des retraites ont rassemblé plus d'un million de personnes dans les rues. Les manifestations contre la loi El Khomeri ont parfois dépassé les 100 000 participants. Mais nos gouvernants ont répondu que « ce n'est pas la rue qui gouverne ». Se pose donc la question du choix des méthodes que nous mettons en œuvre. Certes, la non-violence de nos actions doit être réaffirmée et maintenue mais il faut cesser de proposer des regroupements purement symboliques et opter pour des actions susceptibles de gagner si nous sommes suffisamment nombreux à y participer. Montrer notre désapprobation des politiques menées est nécessaire mais pas suffisant.

 

Il nous faut envisager deux types de moyens d’action distincts : les moyens de pression sur nos gouvernants et sur le patronat pour leur imposer un recul d’une part, et les moyens d'action pour mettre en place des embryons du monde futur que nous souhaitons au sein même de la société actuelle d’autre part.

 

 

Solution n°3 : Des moyens d'action adaptés au contexte d'exploitation actuel

 

Nous pourrions proposer des actions réellement bloquantes, viser l’économie privée et non les services publics, et ceci même lorsque la revendication porte sur la préservation de nos services publics. Si nous voulons être efficaces, ce que nous faisons doit très concrètement gêner les patrons, les actionnaires, la marche des affaires, tel ou tel gouvernant. Il est possible de trouver des moyens de ce type sans ceux-ci soient violents. Attac a commencé à aller dans cette voie avec les prises de chaises dans les agences bancaires mais cela reste encore trop restreint et trop symbolique. Rappelons que ce qui est crucial pour la production et la circulation de valeur à l'heure actuelle est le transfert d'informations. Or celui-ci passe par des câbles, des codes barres et autres flash codes. Les câbles ont des branchements; les codes barres et flash codes sont imprimés sur des étiquettes. Un autre élément crucial pour la réalisation des profits est le temps. La présence d'une queue considérable à chaque caisse d'un hypermarché ou aux guichets d'une banque peut diviser par 3 ou 4 le chiffre d'affaires de la journée. Ce qui est fondamental ici est la vitesse du flux.

 

Par conséquent, Nul besoin de violence ni de dégâts matériels pour que nos actions gênent véritablement ceux qu'elles doivent gêner. Il s'agit d'être suffisamment nombreux au bon endroit, au bon moment et de viser un élément réellement crucial pour la création ou la circulation de la valeur.

 

 

Solution n° 4 : Un réseau de distribution des produits des scops associant consommation et droit à l'emploi

 

Les structures économiques alternatives que nous pouvons envisager doivent répondre à la question suivante : Comment permettre aux salariés de créer ensemble les emplois stables, utiles et correctement rémunérés dont ils ont besoin ? Certes, les SCOP répondent déjà à cet objectif, mais leur développement se heurte actuellement à l'insuffisance du marché, sachant que la mondialisation orchestrée par les multinationales met les salariés-associés des SCOP en concurrence avec les salariés de pays plus pauvres dont les salaires sont ridicules et qui ne bénéficient pas d'une protection sociale décente. Il s'agira donc pour nous d'articuler l'accroissement d'une demande de biens et services avec la progression du nombre d'emplois créés. Pour enclencher cet effet de circuit, il faudrait garantir aux consommateur du réseau de scops que les emplois créés grâce à leur consommation leur soient en partie réservés. Un système de points de fidélité émis par le réseau permettrait d'établir ce lien entre consommation et création d'emplois. Ainsi, l'intérêt individuel du consommateur (préparant en consommant son accès à l'emploi ou celui d'un de ses proches) deviendrait concordant avec l'intérêt collectif des salariés. Cet intérêt collectif ne s'arrête d'ailleurs pas nécessairement aux frontières de notre pays car on peut très bien intégrer, dans le réseau de SCOP ainsi conçu, des sociétés coopératives étrangères. De cette façon, les salariés du monde entier bénéficieraient à leur tour des effets positifs de la mondialisation à travers leur propre multinationale.

 

Le réseau a pour objet la distribution de biens et services de consommation et de production provenant de sociétés coopératives de salariés françaises (SCOP) et étrangères. Un site internet (webb) sert de plateforme de distribution des produits des scops, avec règlement en ligne ou par chèque. Cette plateforme gère la commande et la livraison des biens, mais aussi la réservation de prestations de services à réaliser en un lieu précis (domicile ou établissement) et les abonnements.

 

Le lien entre la consommation sur le réseau et le droit à l'emploi repose sur un système de points de fidélité : 1 point est attribué pour chaque tranche de 5 € commandés sur le site web. Une somme X de points accumulés par un consommateur donne droit à un emploi CDI à temps plein pour soi ou pour un de ses proches. Pour pouvoir obtenir un emploi dans ce cadre, la personne bénéficiaire devra avoir un diplôme de niveau CAP, Certificat d'études primaires ou Brevet des collèges (BEPC) au minimum. Un diplôme étranger équivalent est accepté à condition que l'on puisse en vérifier l'authenticité et que l'intéressé maîtrise correctement la langue française à l'oral.

 

L'emploi ainsi créé correspond au niveau de qualification de la personne embauchée au sens de la grille des niveaux de qualification de l'INSEE (niveau I à V). Il est rémunéré au même salaire que les salariés de niveau de qualification, d'expérience et d'ancienneté équivalents de la SCOP qui embauche ainsi. Un consommateur ne peut revendre ses points à autrui mais peut faire bénéficier un de ses proches de l'emploi ainsi acquis. Les points de chaque consommateur s'accumulent année après année jusqu'à ce que celui-ci les utilise pour un emploi. La durée de validité des points de chaque consommateur est illimitée. Le compte de points du consommateur est remis à zéro au moment où il utilise ses points en les échangeant contre un emploi pour lui-même ou pour un de ses proches. S'il existe un reliquat entre son total de points au moment de l'embauche et la barre d'emploi X, ce reliquat est inscrit sur son compte pour lui permettre d'acquérir ultérieurement un nouvel emploi pour lui-même ou pour l'un de ses proches de la même manière qu'il avait acquis le premier.

 

Le logiciel utilisé sur le site calcule aussi le nombre des points consommés en produits de chaque SCOP. Ceci permet de voir le supplément de chiffre d'affaires engendré par le site web en faveur de chaque SCOP, ce qui crée une dette en emplois de chaque SCOP vis a vis des consommateurs du réseau pris globalement. Un nombre X de points débiteurs oblige la SCOP à mettre en œuvre l'une des deux options suivantes :

  • embaucher en CDI l'un des consommateurs ayant franchi la barre de points X sur le site web du réseau ;

  • acheter des biens ou services des autres SCOPs présentes sur le site web de façon à transférer une partie de sa dette en emplois sur une ou plusieurs autres SCOPs.

 

Ainsi, après avoir bénéficié d'un supplément de chiffre d'affaires supplémentaire X, une scop a en principe l'obligation d'embaucher l'un des salariés qui ont rendu possible cette croissance. Mais elle peut aussi en quelque sorte « racheter » ses points en achetant des matières premières, des composants, des biens d'équipement ou prestations de services auprès des autres SCOPs membre du réseau.

 

Afin d'éviter les déviations, les entreprises membres du réseau devront respecter certaines normes sociales :

 

  • Les produits vendus par les SCOPs sur le réseau doivent être au moins pour 66 % de la valeur du produit et pour 66 % du temps de fabrication (toutes étapes de la chaîne de valeur comprises) fabriqué par des SCOPs (françaises ou étrangères).

 

  • La main d’œuvre des SCOPs présentes sur le site web doit être au minimum à 55 % associée de la scop à l'inscription de celle-ci sur le site et, pour celles de plus de 15 salariés, au minimum à 75 % de sociétaires à partir de 2 ans de présence sur le site web.

 

  • Les emplois créés en contrepartie des points de fidélités sont des CDI de droit commun, avec la période d'essai de droit commun. Au bout d'un an ou deux (selon les statuts de chaque SCOP) de travail dans la SCOP qui l'a ainsi embauché, le salarié doit se voir proposer l'intégration comme associé sociétaire. S'il refuse alors le statut d'associé dans les délais prévus par les statuts de la SCOP considérée, il pourra être licencié.

 

  • La SCOP qui ne garde pas le salarié proposé par le réseau au delà de sa période d'essai n'est pas quitte de son obligation d'emploi vis a vis des consommateurs du réseau. Elle se verra donc proposer d'autres salariés à l'embauche. Une SCOP qui, bien qu'ayant bénéficié d'un chiffre d'affaires conséquent directement engendré par le site, ne s'acquitterait pas de son obligation d'emploi serait radiée du site web.

 

Actuellement, des réseaux militants sont déjà utilisés pour étendre la commercialisation des thés et tisanes de SCOP TI ou les glaces de La Belle Aude. Mais la diffusion de ces produits reste trop limitée car elle repose uniquement sur la bonne volonté et l'attitude militante des consommateurs. La nouveauté introduite dans notre proposition tient dans le lien établi entre consommation et droit à l'emploi, lien qui d'une part peut inciter certains à accepter un surcoût s'il y a un droit à un emploi de qualité au bout, et d'autre part fait entrer de pleins pieds les participants dans un système alternatif même si ceux-ci, au départ, n'avaient pas pour idée de changer le monde.

 

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Les luttes pour des objectifs sociaux immédiats seront d'autant plus suivies qu'elles seront reliées à un projet de société communiste construit collectivement. Au premier rang de ces luttes, il nous faut mener celle de la sécurité de l'emploi pour tous en montrant en quoi cet objectif est lié à la socialisation des moyens de production et d'échange. Cette dernière ne doit pas être repoussée à un avenir lointain. Elle peut être rapidement soumise au débat public comme une alternative à construire ici et maintenant avec l'ensemble de nos concitoyens.

 

Il ne s'agit pas ici de nier l'importance de la participation aux élections ou de faire l'impasse sur la construction d'un parti politique qui représente véritablement les aspirations et les intérêts de l'ensemble des salariés. Mais pour desserrer l'étau de la finance sur notre vie sociale et politique, il paraît nécessaire de créer d'une part une solidarité financière militante à la hauteur des attaques que nous subissons lorsque nous osons nous exposer syndicalement ou politiquement, d'autre part des structures économiques alternatives qui remettent en cause le système dominant dans ses fondements mêmes, tout en donnant aux salariés un avant-goût de ce qui serait possible si l'on acceptait l'idée d'une véritable rupture. On pourrait ainsi faire progresser ensemble la construction d'une alternative économique crédible et le rassemblement politique majoritaire nécessaire à une transformation sociale globale, sachant que les militants politiques pourraient alors s'appuyer sur l'alternative économique en cours de construction pour démontrer le caractère démocratique et progressiste de leur démarche.

 

Isabelle H.

 

Contribution d'Isabelle (Section St Pierre)

Rappel : Les contributions proviennent de camarade de la fédération comme des tribunes libres, elles n'engagent pas la fédération et n'ont pas forcement fait l'objet de débat.