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Une lettre de Michel Etiévent - Carbone Savoie : ni partir, ni mourir

C’est un jour de neige en Savoie. Nous sommes devant l’usine Carbone Savoie, filiale du groupe Rio Tinto, à Notre Dame de Briançon. Une entreprise de haute mémoire où le père d’Ambroise Croizat, en mars 1906, lança la première grève du siècle pour la protection sociale. C’est là qu’Ambroise, né dans la cité ouvrière voisine, prendra plus tard son relais en instituant l’une des plus belles conquêtes de la dignité, la sécurité sociale.
Devant les grilles, des ouvriers attendent dans le froid. A l’issue d’une réunion du Comité central d’entreprise, un délégué téléphone les résultats : 20 licenciements, et 60 à l’usine soeur de Lannemezan avec fermeture définitive du site. La nouvelle tombe le jour même où François Hollande, aux USA, donne l’accolade aux patrons en proclamant : « C’est vous, Messieurs, qui avez du talent ».
L’entreprise produit du carbone à haute valeur ajoutée. Une fierté de la technique industrielle française. On y affine le carbone et le graphite de la sidérurgie, les cathodes de l’aluminium.
Au coeur du même pôle, l’entreprise voisine, Graphtec,élabore les revêtements intérieurs de la fusée Ariane, les pièces du nucléaire, et autrefois les moules des carrosseries de la firme Ferrari. 1 200 ouvriers en 1971, 600 en 2006, à peine 340 aujourd’hui (…)
Au fil de l’hémorragie, Carbone Savoie a perdu la vitalité de ses savoir-faire, et la région toute une chaine de vie (…) Motif de la casse : l’avidité des actionnaires. Argument patronal : « le coût du travail ». « Je n’ai jamais compris ce terme, souligne David Pivier, délégué CGT, le travail ne coûte pas, il rapporte, et pas à nous quand on lit nos fiches de paie ! ». Les statistiques corroborent la remarque du syndicaliste : en 1981, l’ouvrier de Carbone Savoie travaillait 12 jours pour les actionnaires… 45 jours en 2013 ! « Oui, c’est le capital qui coûte cher, pas notre main d’oeuvre reprend David, aujourd’hui, tout ce qui, dans l’entreprise, ne va pas au capital est considéré comme une charge. Ce sont les patrons, la charge, ce sont eux les assistés, pas nous » ! En appui de l’argument, on pourrait citer d’autres chiffres : 312 milliards d’euros de revenus financiers non soumis aux cotisations sociales, 50 milliards d’exonérations de cotisations patronales, 220 milliards de subventions accordées aux patrons sans contreparties (…) L’argent est là ! « Un peu de courage politique suffirait pour relancer l’industrie », renchérit un autre syndicaliste. « Nous ne lâcherons pas, ce sont nos familles et nos enfants que nous défendons ici ! Ni partir, ni mourir, c’est notre slogan ».